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La fascination pour la façade

10 février 2022

Les visions ne deviennent réalité que lorsque les pensées se transposent en idées concrètes. C’est la conviction de l’architecte et designer industriel Kai Stania, et on la retrouve partout dans son habitation personnelle, qui surplombe la capitale autrichienne dans une chorégraphie unique et fascinante.

 

Cet article est une traduction éditée d'un texte de base écrit par Barbara Jahn

 

Apparemment, être son propre maître d'ouvrage n’est chose aisée pour un architecte. Stania, qui travaille chez lui comme architecte et designer de produits freelance, s’est essayé à ce périlleux exercice d’équilibre. “Ce n’était pas toujours facile de jongler avec les deux rôles”, avoue-t-il sans fard.

 


Le cadre noir de l’architecture a un rendu théâtral mais léger, particulièrement aux côtés des généreuses surfaces vitrées.
Photo : © Walter Luttenberger


Images et paysages

 

Stania est quelqu’un de créatif, de polyvalent, qui pense en images et en paysages. Sa prédilection pour la théâtralité picturale et les instantanés photographiques est clairement perceptible dans l’architecture de sa maison moderne. Celle-ci se trouve sur un des points les plus hauts du Wienerwald, une zone densément boisée qui s’étend sur les länder de Basse-Autriche et de Vienne. Avec sa façade noire, elle forme l'imposante clé de voûte de toute une série de maisons architecturalement moins raffinées devant lesquelles il faut passer pour s'y rendre.

 


Côté rue, les ouvertures sont utilisées avec parcimonie. Les panneaux de façade noirs reflètent l’environnement et confèrent vitalité et dynamisme aux surfaces.
Photo : © Walter Luttenberger

 

Cela fait souvent sourire lorsqu’un architecte a une prédilection pour le noir et ne le cache pas. Pour Kai Stania, ce n’est toutefois pas une question de mode ou d’une quelconque déclaration d’amour à la guilde de la construction. L’enveloppe totalement noire peu commune de sa maison s’inscrit dans une tout autre vision. Pour bien se rendre compte de la fusion intense entre le lieu et son environnement, le visiteur doit se laisser guider vers des points spécifiques en suivant des lignes de vue particulières et pénétrer au plus profond du script créatif personnel de l’architecte.

 


La transition entre l’intérieur et l’extérieur se fait en douceur, par ‘étapes’ L’emploi de cadres simples prolonge la forme cubique de la maison, créant un espace ‘intermédiaire’.
Photo : © Walter Luttenberger

 

Pour sa maison, l’architecte a fait le choix d'une ossature bois, qui fait écho au concept d’ouverture et de continuité. Bien que la construction en porte-à-faux fasse paraître le bâtiment plus grand qu’en réalité, l’architecture anguleuse avec ses lignes précises met néanmoins en exergue la nature, qui est le véritable protagoniste ici. La structure qui se module au fil de la journée et au gré des saisons, confère à chaque espace ses propres qualités particulières. Ce qui est encore plus intéressant, c’est que la réglementation locale du bâtiment a peut-être bien contribué une peu à cet élément de construction. La fiction complémente l’architecture, précisément où c’est nécessaire pour la structure.

 


À la tombée du soir surtout, les contours de l’architecture noire ont une présence très remarquée. L’effet est encore accentué lorsque la lumière s’allume dans la maison, éclairant la structure de l’intérieur.
Photo : © Walter Luttenberger

 

Effet cinémascope


Un examen plus approfondi révèle la volonté d’ancrage de Stania et comment il s’efforce de relier les scènes et fragments individuels via son architecture noire enveloppante. On décèle un certain effet cinémascope, l’image se figeant un moment avant de se poursuivre à la prise suivante. Tout en se pliant aux exigences des autorités du secteur du bâtiment, l’architecte est parvenu à réaliser la forme cubique qu'il avait imaginée. Le retrait sollicité de l’étage supérieur dégage un nouveau volume tout en lignes noires nettes. Les encadrements ne sont pas de simples détails design frivoles. Ils sont aussi fonctionnels, apportant de l’ombre aux espaces ouverts tout autour.

 


La réverbération des surfaces noires est également exploitée à l’intérieur pour estomper totalement les démarcations spatiales.
Photo : © Michael Nagl

 

Afin de donner corps à ses visions et reproduire fidèlement ses idées dans la réalité, Kai Stania s’est associé à Trespa, qui s’est avéré un partenaire expérimental parfait pour le projet. Les façades noires ne sont pas courantes en Autriche et à l’époque, cette maison fut même le premier projet particulier osant recourir à cette couleur inhabituelle. Avec ses arêtes marquées et ses contours intenses, le noir vient exalter encore davantage l’aspect remarquable de l’ensemble. Au total, 462 m² de panneaux Meteon noirs de Trespa ont été posés, formant un contraste conjuguant élégance et harmonie avec les généreuses surfaces vitrées du bâtiment.

 


Ici, vous ne savez jamais précisément où vous êtes. Dans le salon, la cuisine ou est-ce déjà le jardin ?
Photo : © Michael Nagl

 

Dissolution des démarcations spatiales


Kai Stania conçoit ses projets en détail jusqu’au bout. Il accorde une attention toute particulière aux transitions, qui doivent être fluides pour maintenir l’intégrité de l’ensemble. Dans sa maison, les démarcations spatiales ont été tout simplement abolies, que ce soit entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’espace de vie et la zone où on cuisine et où on mange ou encore entre la chambre à coucher et la salle de bain. Beaucoup de ses créations pour des fabricants autrichiens ont trouvé leur place dans ce contexte particulier. Notamment l'îlot de cuisine k7 qui monte ou qui descend tel une scène et qui peut être presque entièrement fermé, formant un monolithe. Ou encore le lit riletto, conçu pour le fabricant Team 7, le bureau Bene pour travailler et la table qui est, comment pourrait-il en être autrement, une authentique Wittmann.

 


La vue mais sans regard intrusif : l'intimité est préservée de l’extérieur.
Photo : © Michael Nagl

 

Dès que le soleil a disparu derrière l’horizon et que l’obscurité se fond lentement avec l’architecture, la maison endosse encore un autre rôle. L’éclairage intérieur confère à l’architecture une apparence encore plus graphique, créant au final une tout autre dimension qui se remétamorphose le matin suivant en un décor cinématographique spectaculaire.

 


Vous avez tout Vienne à vos pieds. C’est le meilleur endroit pour admirer le coucher de soleil sur la capitale autrichienne.
Photo : © Walter Luttenberger

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