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Quand l’architecture devient paysage

16 juin 2022

Bosco Verticale a donné le coup d'envoi d'un nouveau type de révolution de l'éco-construction, qui va bien au-delà des toits verts. Aujourd'hui, les architectes dépassent le clivage architecture/paysage de la manière la plus audacieuse et la plus belle qui soit.

 


Les tours résidentielles Bosco Verticale de Milan s'élèvent à 27 étages et contiennent 900 arbres. Photo © Boeri Studio

 

En 1957, le journaliste italien Italo Calvino a écrit un livre de fiction intitulé Le Baron dans les arbres, qui racontait l'histoire d'un jeune garçon nommé Cosimo Piovasco di Rondò qui avait décidé de vivre toute sa vie dans les arbres. Cosimo a connu une vie riche et aventureuse parmi les feuillages et a même trouvé le moyen de mourir de vieillesse sans que ses restes ne touchent la terre. C'est ce livre qui a inspiré l'architecte et urbaniste milanais Stefano Boeri pour la construction de Bosco Verticale, les tours jumelles les plus emblématiques du XXIe siècle, remarquables par leurs balcons qui contiennent 900 arbres, 5 000 arbustes et 11 000 plantes vivaces.

 


Little Island, un parc surélevé de 2,4 acres et un espace de théâtre ouvert, a ouvert ses portes en mai de cette année à New York. Photo © Timothy Schenck.

 

Les progrès de la science et de la technologie horticoles ont rendu possible son architecture respectueuse de la nature, et sa réalisation, en 2014, a porté la conception écologique à un tout autre niveau fantastique. Depuis, elle a enhardi de nombreux autres architectes à inventer des formes structurelles qui fusionnent avec la nature.

 

Parmi les plus récentes, citons Little Island, à New York, du designer britannique Thomas Heatherwick, en collaboration avec l'architecte paysagiste Signe Nielsen du MNLA. Accessible par deux passerelles piétonnes en forme de L, ce parc fantaisiste est surélevé au-dessus du fleuve Hudson par une grille de 132 pieux en béton agglutinés pour former un contour nettement ondulé. Une série d'allées se faufilent entre les arbres et les jardins extravagants au sommet de l'île, reliant trois salles de spectacle en plein air, dont un amphithéâtre de 687 places à l'acoustique optimisée. Sur le plan topographique, il n'est pas facile de décrire la Petite île. Il s'agit d'une architecture paysagère, c'est certain. Mais c'est aussi un habitat de jardin, un complexe théâtral, un parc d'attractions et une œuvre d'art.

 

La modélisation paramétrique a joué un rôle important dans la compréhension de la manière dont les écologies vivantes et les formes structurelles peuvent cohabiter. Pour Little Island, le consultant en ingénierie Arup a utilisé des techniques de préfabrication avancées pour s'assurer que les pieux préfabriqués résisteront aux conditions extrêmes que le fleuve Hudson pourrait leur imposer.

 


La place publique Plads de Karen Blixen à Copenhague absorbe les eaux de crue dans des creux semi-immergés tout en offrant de la verdure et des zones de rassemblement aux visiteurs. Photo © COBE

 

Le changement climatique a également influencé notre désir de nous rapprocher de la nature et, potentiellement, de nous sauver de ses menaces imminentes. À Copenhague, l'entreprise locale COBE a abordé de nombreux problèmes critiques avec la réalisation de la place publique Plads de Karen Blixen, la plus grande place extérieure de la ville. Du point de vue d'un drone, l'espace ouvert de 20 000 mètres carrés est sculpté en un motif de plates-bandes circulaires qui se fondent dans les courbes douces d'une demi-douzaine de dômes en béton. Ces formes surélevées ressemblent davantage à des toits qu'à des espaces semi-immergés où les cyclistes garent leurs vélos. Elles servent également de réserves d'eau. En laissant l'eau s'écouler dans les dépressions lors des orages, on donne à l'eau de pluie une chance de s'évaporer plutôt que de créer des inondations, tout en créant simultanément de petits biotopes humides pour soutenir la biodiversité.

 

Il est remarquable de penser que les toits verts étaient une nouveauté que seuls les plus aventureux adoptaient il y a dix ans. Aujourd'hui, l'accent est mis sur les possibilités créatives qu'offrent les éléments naturels. Le Canada ne manque pas d'exemples exceptionnels.

 


La bibliothèque de Springdale est entourée de verdure, de bassins réfléchissants et de zones ressemblant à des cours intérieures qui estompent la limite entre le bâtiment et son environnement. Photo © Nic Lehoux

 

L'un de mes préférés est la bibliothèque Springdale et le parc Komogata Maru à Burlington, en Ontario. Un toit vert montagneux s'élève à cinq mètres à son sommet, coiffant un volume d'un étage revêtu de verre et d'acier. Conçu par la firme torontoise RDAH, le projet comporte plusieurs intersections paysagères, dont une piscine réfléchissante qui s'appuie sur le côté d'un mur extérieur. Il donne l'impression que le bâtiment est partiellement submergé, tandis qu'à l'intérieur, les usagers de la bibliothèque ont une vue tranquille de l'eau calme pendant qu'ils parcourent les rayons.

 

Cependant, ce qui est également intéressant dans ce projet, c'est son emplacement au sein d'un développement suburbain prosaïque et face à un centre commercial linéaire.

 

La transformation de l'architecture en paysage s'est déplacée une fois de plus, au-delà des villes touristiques comme Milan et New York. Cette révolution arrive maintenant dans nos villes, près de chez vous.

 


Conçue par RDAH, la bibliothèque et son toit montagneux se démarquent comme une alternative spectaculaire à l'environnement prosaïque de la banlieue. Photo © Nic Lehoux

  

Cet article est une traduction retravaillée d'un texte écrit par Catherine Osborne.

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