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“Lorsqu'un martinet noir survole la ville, c’est un paysage montagneux qu'il perçoit.”

12 octobre 2023

L’architecte paysagiste Maike van Stiphout de DS Landschapsarchitecten a donné une conférence sur la construction à biodiversité positive lors de l’événement Architect@Work à Amsterdam. Architectenweb a rencontré Maike Van Stiphout pour discuter de la manière de concilier densification urbaine et intensification de la richesse naturelle. La nature sauvage est un élément essentiel de ce processus et devrait, selon elle, occuper un plus grand rôle dans le design des espaces publics.

 

par Michiel van Raaij, rédacteur en chef Architectenweb 

 

Lorsque Maike Van Stiphout a récemment visité le projet Vertical sur le Sloterdijk, les habitants se sont plaints que l’entretien de la végétation n’avait pas encore commencé. C'est ennuyeux, bien sûr, mais elle a constaté que cela a involontairement accéléré la végétalisation naturelle du projet : “Grâce au retard dans l’entretien, la vie s’est développée un peu partout. De nombreux oiseaux ont découvert le site. Normalement, les abeilles ne montent pas à plus de 30 mètres, mais ici, on en a observées à 50 mètres.”

 


Foto © Design Visualisations

 

Pour les oiseaux, le projet n’offre pas encore l’environnement idéal, comme l’explique Maike. “Les oiseaux ont trois objectifs essentiels : nourriture, sécurité et reproduction. Le premier et le dernier sont déjà satisfaits : il y a suffisamment de nourriture et de nichoirs. Mais l’aspect ‘sécurité’ laisse encore à désirer, car il n’y a pas encore assez de végétation. Il faudra patienter quelques années pour cela.”

 

Pour la conception du projet Vertical, DS Landschapsarchitecten s’est associé à NL Architects, Studio Donna van Milligen Bielke, Space Encounters, Chris Collaris et De Dakdokters. Le projet se compose d’une tour résidentielle de 70 mètres entourée de balcons dans lesquels sont intégrés des jardinières. Il comprend aussi des bâtiments bas et une autre tour résidentielle moins haute (30 mètres), habillée d’une façade en pierre où sont incorporés 350 espaces de nidification destinés, par exemple, aux martinets noirs, chauve-souris, moineaux et insectes. Un espace de nidification pour rapace a également été aménagé.

 


Foto © WAX

 

 

La ville montagne

Maike Van Stiphout compare les tours résidentielles du projet Vertical à des montagnes. Les jardins sur les toits des bâtiments bas entre les tours sont comme des prairies, formant les vallées entre les montagnes. “Quand un martinet noir survole la ville, ce ne sont pas des parcs, des appartements, des bureaux ou des hôtels qu'il voit. C’est un paysage montagneux avec une foule d’endroits potentiels où bâtir son nid. Il sonde la ville comme une succession dense de rochers, de champs et de lacs. Pour le martinet, chaque nouvelle construction, chaque nouvel élément vient modifier ou casser la trame de ce terrain”, écrit Maike Van Stiphout dans le First guide to nature inclusive design qu’elle a publié il y a quelques années.

 

“La première étape de la construction à biodiversité positive est de regarder à travers le prisme de la nature, d'observer la ville comme si vous étiez vous-même un martinet noir. Qu’est-ce que votre projet, petit ou grand, apporte à ce paysage de montagne ? Un rocher dénudé ou une colline couverte de végétation ? Un champ ou une forêt ? Pensez en trois dimensions. Vous devez percevoir les connexions, tant horizontales que verticales. Façonnez votre projet de manière à ce qu’il vienne renforcer la continuité de ce paysage montagneux.”

 

Dans son travail, Maike Van Stiphout remarque que la comparaison avec un paysage montagneux apporte beaucoup de clarté. Comme en montagne, la plupart des plantations doivent se faire dans les vallées, en pleine terre. Mais les montagnes ont également un rôle à jouer.

 

Sur un flanc de montagne, les plantes doivent souvent se contenter d’une fine couche de terre et d'un peu d’eau. On peut s'inspirer du même principe pour végétaliser les bâtiments. Vu les longues périodes de sécheresse que nous avons connues ces dernières années, de nombreux architectes paysagistes estiment qu'il faut choisir des plantes ne demandant pas trop d’irrigation pour les abords, les toitures et les façades des bâtiments. Un avis que partage pleinement Maike Van Stiphout. “D’ailleurs, lors du dernier printemps qui a été particulièrement sec, on a pu constater que tout ce qui poussait en pleine terre avait plus de mal que la végétation bordant ou recouvrant les bâtiments”, dit-elle en riant. Entendant par-là que la nature ne cesse jamais de nous surprendre.

 

Si toutes les tours résidentielles du Sloterdijk étaient réalisées comme le projet Vertical, la nature de l’extérieur de la ville investirait progressivement le quartier en direction du Westerpark. Pour la plus haute tour du projet, Maike Van Stiphout et son équipe ont sélectionné 90 espèces de plantes, toutes parfaitement adaptées à cet environnement. Car l’important ici est de créer une connexion étroite, permettant aux plantes et aux animaux de se déplacer dans des réseaux plus vastes et ininterrompus. C’est comme ça que se développe une nature robuste, en pleine santé.

 


Foto © WAX

 

Beauté sauvage

Le 22 septembre, DS Landschapsarchitecten a publié un deuxième guide sur la construction à biodiversité positive. Ce second volet se penche plus particulièrement sur la végétalisation sauvage de la ville. Un sujet que Maike Van Stiphout a également abordé en détail lors de sa conférence à Architect@Work.

 

Aujourd'hui, les villes laissent souvent pousser la végétation pendant tout le printemps. “C’est une très bonne chose pour la nature, mais souvent, on voit que les parcs et espaces publics ne sont pas conçus pour une telle végétalisation sauvage. L’effet est souvent négligé, certains quartiers paraissent même laissés à l’abandon”, constate-t-elle. “Il faudrait intégrer davantage la végétation sauvage dans la conception des parcs et espaces publics.”

 

Zoop

Au printemps 2022, le Nieuwe Instituut a été transformé en zoopérative, ou en abrégé zoop. Cette forme d'organisation prend en compte les voix et les intérêts de la vie non-humaine. Donc de la nature et des animaux qui y vivent. Maike Van Stiphout conseille le comité d’administration en tant que représentante de la vie non-humaine.

 

Un peu plus d'un an plus tard, elle constate que cette nouvelle façon de voir les choses s'est profondément ancrée dans l'organisation. Tout ce qu’entreprend l'institut prend en compte les bénéfices que peut en tirer la vie non-humaine. “Mon rôle est un peu comparable à celui d’une équipe de qualité. Afin de répondre aux exigences, les plans sont généralement modifiés avant même la première consultation avec l'équipe de qualité. C’est pareil au Nieuwe Instituut. Il y a déjà énormément de réflexion en amont.”

 


Foto © Proloog

 

Solutions génériques pour s’adapter à plus grande échelle

DS Landschapsarchitecten et VenhoevenCS travaillent sur une tour résidentielle à biodiversité positive dans le quartier de Sluisbuurt. “Il s’agit de notre projet de construction à biodiversité positive le plus complet jusqu’à présent”, raconte Maike Van Stiphout. Le bâtiment comprendra des jardins, des terrasses, des façades et des toitures végétalisés. Le projet incluait également une transition naturelle entre l’eau adjacente et le jardin. “Les habitants de cette tour résidentielle vont véritablement vivre en harmonie avec la nature.”

 

Pour ce projet, DS Landschapsarchitecten a imaginé des solutions génériques. Ainsi, si le résultat est à la hauteur des attentes ici, elles pourront être facilement utilisées ailleurs. “Le projet est entièrement centré sur une utilisation potentielle à plus grande échelle des solutions développées. La WUR assure le suivi du projet et y effectue des recherches. L’IVN va organiser des excursions sur les toits, qui seront préparés à cet effet.

 

Cette transition entre l’eau et la terre ferme est un excellent exemple de solution générique. DS Landschapsarchitecten est déjà en pourparlers avec la ville d'Amsterdam pour transposer la solution développée dans le quartier de Sluisbuurt à d’autres endroits dans la ville.

 


Foto © VMX Architects

 

Il n’y a pas de temps à perdre, estime Maike Van Stiphout. “Un projet comme Vertical a été conçu en 2016 et nous ne pourrons l'évaluer que dans quelques années. L'urgence est telle pour la nature que nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre aussi longtemps. C’est pourquoi nous partageons au maximum nos connaissances. Via les guides que nous publions. J’enseigne aussi à l’académie d’architecture d’Amsterdam. Nous partageons aussi notre travail avec d’autres. Il faut stimuler au maximum les échanges et le partage !”

“Lorsqu'un martinet noir survole la ville, c’est un paysage montagneux qu'il perçoit.”
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