Pour ce récit, nous vous emmenons au cœur de la « Schwarzwald », la Forêt-Noire dans le sud-ouest de l’Allemagne. C’est dans cette région montagneuse densément boisée située dans l’État fédéré du Bade-Wurtemberg, en bordure du Rhin et de la frontière française, que l’architecte Michael Welle, originaire d’Offenbourg, a réalisé un bâtiment tout en angles fait de paille, de bois et d’argile dont le design s’inspire des caractéristiques d’une maison historique typique de la Forêt-Noire. La singularité de ce projet réside dans son interprétation moderne de la tradition.
La maison se trouve à Nordrach, dans une vallée proche de Biberach. Avant d'aborder la conception de cette maison située dans la plus vaste chaîne de moyenne montagne d'Allemagne, précisons que les propriétaires avait insisté d’emblée sur l’importance de la santé et la durabilité de la construction.
L'immeuble de Nordrach, bâti à la lisière de la forêt, réinterprète le modèle historique d'une maison typique de la Forêt-Noire. Photo © Michael Welle Architektur, Offenbourg
La maison est agencée selon un plan pentagonal et respecte les conditions du terrain : seule la moitié de la parcelle était à bâtir. Sur deux côtés, les limites sont définies par l'espace extérieur. Le tracé de l'avant-toit côté est, par exemple, est aligné sur le bord de la route. Le pignon côté nord-est suit à peu près le bord de la pente et surplombe la vallée. La moitié de la façade opposée est orientée vers le bas, tandis que l'autre moitié « regarde » vers le haut, en direction de la lisière de la forêt.
La toiture du bâtiment, qui se prolonge très bas pour offrir une meilleure protection contre les conditions climatiques changeantes, se calque sur la pente. Le socle en béton massif abrite l’atelier, où certains éléments de finition du bâtiment ont été réalisés. Cette partie inférieure forme une base créative mais aussi structurelle pour le bâtiment érigé par-dessus sur le terrain en pente.
La maison entièrement constituée de bois a été bâtie sur un socle massif en béton, avec des matériaux usinés et traités autant que possible sans colle ni vernis. Photo © Jürgen Pollak, Stuttgart
Construction en bois moderne traditionnelle
La structure en bois, posée sur un socle en béton, a été préfabriquée dans une menuiserie locale, où le bois a été raboté avant d’être assemblé pour former les éléments des murs, des plafonds et du toit. Grâce à cela, la durée de construction a été limitée au minimum. En accord avec le concept local et durable, le bois provient d'exploitants forestiers de la région et a été débité et séché dans des scieries locales.
Afin de créer un cadre de vie sain, l’intérieur est constitué uniquement de matériaux naturels. En fait, le bois a été laissé en grande partie à l’état naturel ou tout au plus lessivé ou huilé, par exemple au niveau des meubles et des sols, qui ont été traités à l'huile naturelle. La structure non plus ne contient aucun adhésif, colle ou vernis (à l’exception de trois pannes en lamellé-collé). Tous les éléments en bois massif des plafonds, des toitures et des structures murales sont vissés. Cela signifie qu'ils peuvent être facilement démontés lors d’une future rénovation, et même retirés pour être réutilisés dans le cycle des matériaux.
Le bois utilisé à l’intérieur a été laissé en grande partie à l’état naturel ou tout au plus lessivé ou huilé au niveau des surfaces soumises à des contraintes plus importantes. Photo © Patrick Möhrle
Les maîtres d'ouvrage souhaitaient une maison saine et durable. Aucun matériau non naturel n’a donc été utilisé à l’intérieur. Photo © Patrick Möhrle
Les murs ont été enduits d’argile, ce qui influence activement le climat intérieur. Photo © Patrick Möhrle
Matériaux sains et durables
Ce principe strict de durabilité et de séparabilité des matériaux a également appliqué été à l'isolation du bâtiment, qui se compose de paille broyée et de fibres de bois tendre. Comprimée pour être utilisée comme isolant, la paille offre une très bonne protection thermique, avec en outre une énergie grise nettement inférieure à celle des matériaux d'isolation conventionnels. De plus, la paille peut être utilisée sans additifs et, en cas de démantèlement du bâtiment, elle peut être réutilisée ou réinjectée dans le cycle naturel. 50 tonnes d’argile ont été utilisées pour enduire les murs de l’ensemble du bâtiment. L’argile a un effet bénéfique sur le climat intérieur, grâce à ses propriétés de régulation. “Nous avons transposé des matériaux du passé à l’époque actuelle. Ils sont donc utilisés de la même façon que dans les siècles passés, mais avec les techniques de production d'aujourd'hui”, explique l’architecte Michael Welle.
Le bâtiment pentagonal est positionné en accord avec les caractéristiques topographiques du terrain, en harmonie avec l'espace extérieur et le bord de la route. Photo © Jürgen Pollak, Stuttgart
Les techniques intégrées dans le bâtiment
La volonté du client de créer un climat intérieur sain et naturel a évidemment aussi influencé le volet technique du bâtiment. Les trois étages (plus un petit grenier) sont chauffés par un système de chauffage au bois d'une puissance de 21 kW. Par mesure de précaution, les raccordements au réseau de chauffage local ont également été installés en prévision des besoins futurs du bâtiment et peuvent être connectés à tout moment. Les capteurs solaires situés sur le côté sud-est du toit, qui est presque entièrement couvert par un système photovoltaïque de 14,5 kW, garantissent un apport de chaleur supplémentaire. Un réservoir tampon de 1 000 litres et une batterie de 9,5 kW stockent l'énergie produite. Au niveau de l'enveloppe, le bâtiment ne se situe donc que 4 % en-dessous de la norme KfW 40, et au niveau de l'énergie primaire, il dépasse même la norme KfW 40 de 18 %. Ce projet illustre comment, avec des matériaux traditionnels habilement associés à des technologies modernes, on peut créer des espaces de vie sains et des bâtiments à haut rendement énergétique.
Le côté sud-est du toit est presque entièrement recouvert par un système PV. Il est également muni de quatre capteurs pour la production de chaleur solaire et de deux fenêtres de toit. Photo © Jürgen Pollak, Stuttgart
Ceci est une traduction d’un texte de Jan Hoffman, basé sur un article de Thomas Geuder (Der Raumjournalist)